Interview Fred Hermel : "Je ne voulais surtout pas devenir journaliste"

Voici une interview de Fréderic Hermel, correspondant en Espagne pour RMC Sport, L'Équipe et France Football et auteur du livre Zidane, le livre le plus intime sur le joueur puisque Fred Hermel a suivi le joueur tout au long de sa carrière au plus près
Je ne voulais surtout pas être journaliste
Bonjour
Fred,
Alors nous allons procéder en plusieurs parties, nous allons d'abord aborder ton parcours, puis ton métier actuellement et enfin le football en Espagne.
Pour commencer, tu es journaliste sportif spécialisé dans le football, d'où te vient cette passion pour le foot ?
« C'est-à-dire que moi, je ne suis pas au départ un journaliste sportif, je suis un journaliste d'information général(e). J'ai commencé dans un journal qui s'appelle Nord Éclair, à Lille. J'ai bossé à Radio France fréquence nord, qui était la locale de Radio France dans le Nord ; France Bleu Nord aujourd'hui. J'étais un journaliste d'information générale, j'étais correspondant de France Soir à Madrid pendant de nombreuses années et quand Zidane a signé au Real Madrid, en 2001 : L'Équipe et RMC m'ont proposé de suivre la carrière de Zidane. Donc je suis devenu correspondant de RMC et de L'Équipe, et après de France Football avec l'arrivée de Zidane à Madrid. Sûrement que si Zidane n'avait pas signé, je n'aurai jamais été journaliste sportif. Voilà. Alors moi j'aime le foot, je suis un supporter depuis tout petit du Racing Club de Lens. J'adore le foot bien entendu, mais au départ, je n'étais pas un journaliste de foot, c'est venu comme ça, c'est l'occasion qui a fait le larron comme on dit. »
Et justement, d'où t'es venu l'envie de devenir journaliste et pourquoi ?
« Je ne voulais surtout pas être journaliste, je n'aime pas trop les journalistes en faites, en général. En tout cas, je ne les aimais pas trop, parce que dans mon premier stage à Radio France fréquence Nord, comme je ne faisais pas l'école de journalisme - car j'ai fait Infocom à la FAC - les journalistes me méprisaient. Mais, les gens des programmes me traitaient très bien. Et j'ai donc commencé à faire de la radio, pas du côté journalistique, mais du côté programme, parce que comme j'aime beaucoup l'Argentine et le Tango (danse argentine), j'avais participé à une émission de jazz et tous les mois je faisais une rubrique de Tango. Donc en faites, je ne voulais pas être journaliste, je voulais surtout être dans les médias. Enfin, au tout départ, moi, je voulais être acteur, chanteur, enfin voilà. Mais, ce qui me plaisait le plus en réalité, c'était d'être peut-être animateur radio quoi, un truc comme ça. Mais, après c'est l'occasion qui a fait que j'ai commencé à Nord Éclair, puis finalement à Fréquence Nord on m'a proposé de faire des piges, etc. donc c'est venu un petit peu par hasard. Mais, au départ, je suis plus intéressé par le média, en lui-même. Mon média préféré c'est la radio, je suis plus intéressé par un micro que par le journalisme en tant que tel.
c'est la meilleure excuse que j'ai trouvée pour rencontrer des gens. »
D'accord. Concernant les études, quelles études as-tu faites et comment es-tu rentré dans le métier ?
« Mes études, j'ai fait des études d'InfoCom qui était une formation assez nouvelle à l'époque. J'y suis rentré en quatre-vingt-huit pour l'année scolaire 1988-89. C était le fait d'analyser les phénomènes de médias et de la communication. C'est simplement des piges pour payer mes études, j'ai commencé à accepter des piges et c'est comme ça que je me suis mis dans le journalisme. Et après, je me suis pris de passion pour ce métier, mais au-delà du journalisme, ce que j'aime c'est communiquer, ce que j'aime c'est rencontrer des gens, parler avec eux, raconter l'histoire de gens. Et, le journalisme, je dis toujours, c'est la meilleure excuse que j'ai trouvée pour rencontrer des gens. »
Et sur ton métier actuellement, il y a maintenant un petit peu plus d'un an, tu as écrit un livre sur Zidane. D'où t'es venue l'idée d'écrire un livre et l'idée d'écrire sur Zidane et comment tu l'as écrit ?

« Alors, l'idée, comme je suis devenu le grand spécialiste de Zidane, puisque je le fréquente maintenant depuis bientôt vingt ans. Ça fera vingt ans au mois de juillet prochain. On m'avait souvent proposé d'être auteur pour une série, pour un docu-fiction, on m'avait proposé de faire des bouquins sur lui. On m'a même proposé beaucoup d'argent en Angleterre pour faire un bouquin sur lui, mais j'avais toujours refusé. Et c'est quand Zidane a annoncé sa retraite, en tout cas qu'il quittait le Real, le 31 mai 2018, c'était vraiment une page qui s'est fermée, j'étais persuadé qu'il ne reviendrait pas au Real maintenant.
L'été j'étais en vacances, et un de mes grands amis qui s'appelle Carlos qui est un français d'origine espagnole et sa femme Camille m'ont dit : il faut absolument que tu le fasses, c'est le moment d'écrire sur Zidane, etc.
C'était une manière aussi pour moi de fermer le livre, de toutes ces années où j'ai écrit sur Zidane.
À vrai dire, j'ai pris un rendez-vous, je suis allé boire un verre avec lui au mois de novembre et je lui ai dit « Voilà, j'ai l'idée de faire ça » et cela lui a paru très bien, après ce n'est pas son livre c'est le mien, il ne l'a pas lu, il ne l'a pas relu avant d'avoir le livre en main propre (montre le livre). Mais voilà, j'avais tellement de souvenirs ; il a autorisé tous ses proches à me parler, des gens comme David Bettoni son adjoint, comme Dugarry (NDLR ami de Zidane), bien sûr Ancelotti (NDLR Zidane était son adjoint lors de la saison 2013-2014) qui est mon grand pote, enfin avec pleins de témoins comme ça qui ont accepté de parler parce que Zizou était d'accord et ils me faisaient confiance.
Donc... Au départ, je ne me pensais pas capable d'écrire un livre parce que je suis quelqu'un qui doute, parce que ce n'est pas le doute qui rend fou, mais c'est la certitude. Puis, finalement, le livre est bien, on a déjà vendu plus de trente mille exemplaires donc c'est un gros, gros succès. Cela a été le livre de sport le plus vendu en France en 2019, alors qu'il est sorti le 6 novembre, donc en seulement sept semaines d'exploitations et de ventes, il est devenu numéro un. Il était dans le "top 100" des livres les plus vendus toutes catégories en France, numéro un sur le sport, c'est donc un gros succès.
Après, pourquoi Zidane ? Parce que c'était le sujet que je connaissais le mieux, donc c'était aussi une manière de commencer à écrire un livre, mais aussi, c'était important pour moi de tourner une page, de fermer un chapitre puisque je pensais qu'il n'allait jamais revenir au Real, en tout cas pas avant dix ou quinze ans. Bon, il est revenu, mais le livre est déjà entamé donc j'ai continué. Mais, ce qu'il y a de dingue, c'est qu'à travers ça, maintenant je suis totalement accro à l'écriture de livre et que je suis en train de terminer mon nouveau livre. Il est terminé ! Je suis en train de relire les épreuves, et mon prochain livre va sortir - qui n'est pas un livre de sport ni une biographie : c'est un essai littéraire - aux éditions Flammarion, si Dieu le veut, le 24 mars prochain. »
À côté de l'écriture de livre, tu écris des articles notamment sur L'Équipe et France Football en France, comment procèdes-tu pour écrire un article : le choix du titre, la tournure du sujet et tout ce qu'il faut pour écrire un article ?
« Alors le titre en général, ce n'est pas moi qui le fais. Je mets toujours un titre, mais, soixante-dix à quatre-vingts pour cent du temps, il est changé à Paris, parce qu'il faut l'adapter à la maquette. À Paris, ils ont une vision globale des pages donc il ne faut pas que cela ressemble à un autre titre. Puis, ils sont très forts pour faire les titres à Paris, donc, en général, c'est mieux comme ça. Pour les sujets, les angles des articles, c'est une discussion. Parfois, à Paris ils me disent : "Écoute, on aimerait bien que tu écrives là-dessus", ensuite on définit un angle : l'aspect de l'article, par où on va attaquer l'article.
Mais par exemple, tu vois, le dernier article que j'ai écrit en présentation de match, c'était la présentation de Real-Atlético. J'ai proposé de faire un article sur Modric, qui est revenu dans une forme énorme !
On partage nos idées, et moi je propose beaucoup de choses et après cela vient des besoins du journal, mais c'est souvent dans la discussion avec les chefs qu'on trouve les idées d'article. Mais, moi je propose beaucoup bien entendu. »
Tu interviens dans des émissions sur RMC Sport que ce soit radio ou télé, tu écris aussi des articles. Tu préfères la radio plutôt que d'intervenir dans des émissions télé ou écrire des articles ?
« Ah, mais pour moi la radio c'est numéro un ! C'est mon média préféré. Ça, c'est clair. Si un jour il fallait que je choisisse, ce n'est pas le cas, mais, si un jour on me dit : "Tu n'as pas le choix, tu dois choisir un média entre radio, télé et presse écrite", je choisirai la radio. C'est ma passion depuis tout petit, donc, depuis que j'ai quatre ans, j'ai une petite radio, je m'endors avec la radio toutes les nuits, maintenant je m'endors avec un iPad. J'écoute des podcasts, non la radio c'est ma vie ! C'est vraiment ce que je préfère, vraiment. Et mon émission préférée, bien entendu c'est l'After quoi, parce que, c'est une émission complètement déjantée, c'est là où je peux être le plus moi-même. Parce qu'on est sur l'actualité, mais un peu moins sur l'actualité que dans d'autres émissions, on part dans des délires fous donc moi j'adore. Pour moi, l'After est l'émission que j'aurai écoutée quand j'étais jeune, alors je l'écoute aujourd'hui, mais c'est mon émission. Mais à dix, douze, treize, quatorze ans, j'aurais écouté l'After et même plus (même plus âgé).
Alors, après il faut tout de même reconnaître aujourd'hui que d'écrire des livres me rend totalement... (montre d'un signe avec sa main) dingue. C'est devenu une obsession chez moi, donc c'est important aussi. Mais c'est vrai que la radio, en tant que média pur, la radio c'est ce que je préfère. Lorsque j'entre dans un studio de radio, que je vois les micros, ça me fait encore quelque chose alors que ça fait plus de trente ans que j'en fais. »
Alors, tu parlais de l'After, moi personnellement je t'ai découvert dans l'After, comment es-tu arrivé dans l'émission ? Puisque du coup tu es là depuis le début, tu es la seule "Drôle de Dame" qu'il y ait eu.
« Parce que j'étais déjà à RMC avant, c'est-à-dire qu'à l'époque, François Pesenti quand RMC a été racheté par Alain Weil, il est devenu le chef des sports. Il (François Pesenti) m'a contacté en juin 2001 et m'a proposé d'être correspondant et c'est comme ça que c'est parti. Et donc, moi, j'étais au tout début de l'After, à la toute première émission de l'After. Ce n'est pas mon idée, mais je fais partie des pionniers de l'After. Je fais partie des créateurs de l'After parce que j'étais là au tout début. Je me considère et on me considère comme un pilier de l'After, alors je ne sais pas si c'est par le talent, mais en tout cas par l'ancienneté oui.
Concernant ton rôle de journaliste. Tu es en France, le correspondant et spécialiste du football espagnol. Actuellement, tu vis à Madrid. Quel lien as-tu avec l'Espagne ? Pourquoi as-tu choisi l'Espagne ? Y'a-t-il un rapport avec Zidane ?
« Non, car Zidane arrive en 2001 et moi je suis arrivé en... »
92' ?
« Ouais, donc moi au départ, je ne viens pas en Espagne pour le foot, je viens en Espagne pour la vie, pour vivre à l'étranger, j'adore la langue espagnole, je suis un fan d'Argentine. Justement, mon rêve était d'aller vivre en Argentine, donc Madrid devait être la première étape avant d'aller vivre en Argentine, mais voilà je suis resté. C'est la magie de la vie. En faites, l'Espagne, je ne sais pas, c'est mon autre pays, même si je suis 100% français, que je me définis comme français avant tout : l'Espagne c'est le pays qui m'accueille depuis bientôt trente ans. J'ai un grand respect, un grand amour pour l'Espagne. D'autant plus que l'Espagne m'a apporté cette opportunité de devenir un journaliste connu parce que l'Espagne, Zidane m'ont permis de faire une carrière.
Pour changer complètement de sujet, de quel œil vois-tu l'avenir du journalisme avec notamment le développement des supports numériques ?
« C'est l'évolution des choses. Ça ne sert à rien de lutter contre parce que c'est l'avenir donc tout est dans l'adaptation. Il faut s'adapter aux nouvelles technologies, aux nouvelles façons de faire. Quand est née la télé, cela n'a pas fait disparaître la radio pour autant. Donc, le journalisme est en train de se transformer. Après, moi ce que je regrette c'est que le journalisme est de plus en plus d'immédiateté et que souvent il y a un manque de recul. Les gens ne prennent même plus deux minutes pour réfléchir quoi. C'est le problème. Mais moi par exemple, je fais partie de l'ancienne génération et ce ne sont pas les réseaux sociaux qui vont me dire ce que je peux écrire et ce que je ne peux pas écrire. J'écris dans mes articles ce que j'estime être la vérité, en tout cas ce que je sais. Donc, je me fais critiquer, mais voilà je ne vais pas changer, je n'écris pas pour faire plaisir. J'écris la vérité. En tout cas, ce que je crois être la vérité. Moi, je ne crois pas à l'objectivité, je ne crois qu'à l'honnêteté. J'essaye d'être honnête dans mon métier.
Après, les nouvelles technologies, par exemple en radio, le podcast c'est génial. L'After est l'émission la plus "podcastée" de France, moi j'écoute tout le temps les podcasts. Les nouvelles technologies sont aussi bien pour ça. Elles offrent d'autres alternatives à la consommation de médias. »
C'est la seule fois où j'ai cassé ma voix en radio en direct
Je te propose maintenant de te plonger dans tes meilleurs souvenirs de journalistes.
Quel est le match que tu as préféré commenter, débriefer, ou vivre en tant que journaliste ?
« L'Adieu de Zidane à Bernabeu. C'est-à-dire quand... C'était en avril 2006, c'est son dernier match à Bernabeu contre Villarreal. C'est la seule fois où j'ai cassé ma voix en radio en direct et j'ai commencé à pleurer. Je le raconte dans mon livre, c'est un truc de fou, c'est le moment le plus incroyable que j'ai commenté dans ma vie, parce que c'était le départ d'une idole. On pensait jamais qu'il reviendrait comme entraîneur. Maintenant, je vais à Bernabeu et je le vois. Non c'est sûrement le souvenir le plus fort que j'ai en tant que commentateur.
Et quelle est l'interview que tu as préféré faire ? C'est Zidane aussi ?
« Non... Non... Même si j'en ai fait de belles avec Zidane... La meilleure interview, c'est la première. J'ai vingt ans et j'interviewe Léo Ferré, le chanteur, poète. Moi, je suis un fou de Léo Ferré. J'avais vingt ans, et pour ma première interview je fais Léo Ferré. Donc, ça restera toujours la plus grande quoi qu'il arrive, même si j'ai été mauvais hein. J'ai été mauvais en tant qu'intervieweur, mais bon j'interviewais Léo Ferré, donc ça ne pouvait pas être mieux. Pour moi ça restera la plus marquante parce que c'était la première.
Tu disais que tu es un grand supporter du RC Lens, quel est ton joueur préféré ou lequel était-il lorsque tu étais enfant ?
« Au RC Lens, j'aimais beaucoup Éric Sikora, enfin j'étais déjà grand, mais c'est vrai que Sikora j'aimais vraiment beaucoup. Jean-Guy Wallemme, enfin, il y a eu des joueurs comme ça qui m'ont marqué. Alors, je ne vais pas parler de Zidane, car sinon si tu me demandes mon joueur préféré, c'est Zidane, mais... J'ai toujours eu beaucoup d'affection pour Jean-Pierre Papin.
Mais, pour les gens de ma génération - moi j'ai cinquante ans - pour moi, ce qui m'a le plus marqué, plus qu'un joueur : c'est l'équipe de France 82'. C'est... C'est Bossis et Six qui manquent leur tir au but face à l'Allemagne. C'est la défaite, Séville, j'ai douze ans. France-Allemagne 82', tu demandes à n'importe quel mec qui aime le foot, qui à mon âge : il va te parler de ce match, c'est le match fondateur. Donc j'aurai toujours une tendresse particulière pour Battiston, pour Platini bien entendu, pour Giresse, pour Tigana, enfin je veux dire que ça m'a tellement marqué, c'est-à-dire que moi je deviens fan de foot ce jour-là. J'aimais le foot, mais je deviens fan de foot ce soir-là, car je suis hébété devant la télé, je vais me coucher, on a perdu alors qu'on doit aller en finale et je sais plus où j'habite ! Je suis tout seul chez moi parce que ma mère est couchée, mon père était à l'hôpital à l'époque, c'était un an avant sa mort. Donc pour moi, les joueurs qui m'ont le plus marqué, c'était ceux qui étaient sur le terrain lors de France-Allemagne en 1982.
D'ailleurs tu vois, l'autre jour, moi je ne suis pas groupie, enfin je n'aime pas déranger les gens connus, mais, il y a à peu près un an et demi ou deux ans, qui je vois à Bernabeu en tribune ? Je vois Alain Giresse ! Alors, en général je ne vais pas voir les gens, mais là, Alain Giresse, je ne l'avais jamais rencontré et je m'approche de lui et je dis : "Voilà, désolé de vous déranger Monsieur Giresse, je m'appelle Fred Hermel".
Et, il me dit "Oh Holà Chicos !" (NDLR Phrase d'introduction, d'entrée dans l'émission de l'After).
Alors, là je me dis "Putain, il me connaît ! Alain Giresse me connaît, quoi !".
Donc là, je lui dis "Voilà, je ne vais pas vers les gens comme ça en général, mais vous, je ne peux pas ne pas vous serrer la main !".
Ça m'avait vraiment beaucoup touché parce que Giresse, ça représente toute cette période-là, c'est 84' aussi, c'est la grande équipe de France : je voulais serrer la main d'Alain Giresse. Ces joueurs-là m'ont vraiment marqué. En plus, qu'Alain Giresse me connaisse et m'écoute, cela m'avait vachement ému.
Ça fait un moment que tu travailles en Espagne, de toutes celles que tu as vues, quelle est la plus grosse équipe du Real ?
« Ah que moi j'ai vu ? Les trois Ligues des Champions de Zidane ! Avec Cristiano. C'est une machine. Et même avec celle d'Ancelotti quoi. Quand il gagne, je crois que c'est 4-0 sur la pelouse du Bayern avec Ancelotti. Il y a 1-0 à l'aller avec un but de Benzema et au retour doublé de Ramos et de Cristiano, à Munich, contre le Bayern de Guardiola. C'est cette équipe-là qui en gagne quatre, une avec Ancelotti et trois avec Zidane, c'est quatre Ligues des Champions en cinq ans, c'est un truc de fou. C'est la plus forte que j'aie vu, bien sûr.
tu ne peux pas le comparer à un public d'ailleurs, car ce sont des gens qui vont au théâtre, qui admirent.
Oui bien sûr. Ensuite, selon toi toujours, quelles sont les qualités indispensables pour être un bon correspondant à l'étranger ?
« Ne pas copier les journaux espagnols, mais avoir ses propres informateurs. C'est-à-dire de ne pas copier ce que disent les autres, mais surtout, quand tu es à l'étranger il faut savoir adapter son discours à ton public. Par exemple, quand j'écris dans le journal As, je m'adresse à des gens qui sont des Espagnols qui habitent ici. Alors que quand je parle à un public français, je ne parle pas de la même manière. Même dans la prononciation des noms, je ne prends pas l'accent espagnol, je prononce comme on comprend en français. Les gens qui parce qu'ils sont à l'étranger vont prendre l'accent, alors on peut plaisanter avec ça, mais le but c'est d'être compris. Moi, je veux bien parler de Valladolid, je veux bien parler de leur deuxième gardien, mais il faut parler de ce qui intéresse le plus de monde, le plus de gens possible. Des gens me disent : "Oui, pourquoi tu ne parles pas de ça ?", c'est parce que quand tu parles de ça, les gens s'en foutent, ils veulent que tu parles du Real, du Barca. Et même en Espagne, les gens s'intéressent au Real, au Barca parce qu'ils les aiment ou parce qu'ils les détestent. Voilà, il faut savoir adapter son discours au public. La logique de la communication - comme j'ai appris à la FAC - c'est d'adapter le message au récepteur. Pour moi, un bon correspondant doit savoir faire comprendre dans son pays d'origine ce qu'il se passe ici. Par exemple, un truc tout simple, quand les gens disent : "En Espagne, dans les Sports Bars comme en Angleterre ou aux États-Unis" : non il n'y a pas de Sport Bars, il n'y a pas de bars avec quatre télés, non ! Il y a des bars normaux, ici par exemple... Tu vois le public à Bernabeu ou au Camp Nou, tu ne peux pas le comparer à un public d'ailleurs, car ce sont des gens qui vont au théâtre, qui admirent. Alors, pour les faire lever de leur chaise, faut vraiment...
En faites, le but c'est d'expliquer culturellement ce qu'il se passe ici pour que les Français puissent comprendre. C'est ça un bon correspondant. C'est quelqu'un qui sait adapter et qui sait expliquer et avant tout qui comprend le pays dans lequel il vit hein. Parce que, parce qu'il y en a quand même beaucoup qui ne comprennent pas. »
en Espagne si les gens devaient choisir, ils choisiraient le foot.
Justement par apport à la culture espagnole (du football), après vingt-huit ans de travail là-bas, comment tu pourrais décrire la passion pour le foot en Espagne ?
« L'Espagne est un pays de football, la France n'est pas un pays de football. Ce n'est même pas le mot passion qui compte, car il y a des gens passionnés en France, mais c'est plutôt la place dans la société. Le football a une place dans la société énorme en Espagne, énorme. En France, non. C'est tout simple, en Espagne il était vital que le championnat reprenne, en France ça ne l'était pas. Mais, cela été vital, pas simplement pour des raisons économiques, mais pour des raisons mentales aussi. Ici, c'est une part importante de la société. La France aime la politique, aime la culture, mais en Espagne si les gens devaient choisir, ils choisiraient le foot. »
Sur ce qu'on appelle le "supportérisme", en Espagne, c'est totalement différent de la France, notamment dans le journalisme où c'est assumé. Je pense à des émissions comme le Chiringuitos...
« Mais non, mais c'est-à-dire qu'il n'y a pas d'hypocrisie c'est tout. En France, tout le monde aime une équipe, de la même manière qu'un journaliste politique a ses idées politiques et va voter, cela ne l'empêche pas de bien faire son travail. Un journaliste peut être supporter d'un club, le critiquer et bien faire son travail. Tout le monde sait que j'aime bien le Real, mais j'aime bien l'Atletico aussi. Et moi, ça m'intéresse que le Barca aille loin en Ligue des Champions aussi, car ça m'intéresse de travailler et puis ça peut me permettre de dire La Liga Española. J'ai dîné il y a très peu avec le maire de Madrid et le président de l'Atletico, le maire de Madrid : grand fan de l'Atletico et on a plaisanté par apport à tout ça. Ce n'est pas parce que tu as des copains dans le foot et que tu as des affinités que tu ne peux pas faire ton travail. Moi, je ne sais pas comment font les gens qui parlent des clubs sans connaître personne au sein des clubs. Moi, je ne sais pas faire, je n'ai pas assez de talent pour avoir des infos comme ça. C'est parce que je parle à Zidane, que je parle à Bettoni, que je parle à plein de gens, que je parle au président du Real, que je parle au président de l'Atletico, que je parle à d'anciens joueurs qui me disent des trucs que j'ai mes infos. Il y en a qui ne font qu'interpréter, qui ne bougent jamais, qui n'ont aucun contact, ne passent aucun coup de fil, mais ont toujours pleins d'idées, non moi je fais du terrain. »
Y'a-t-il d'autres différences que tu observes dans le journalisme en France et en Espagne ?
« Oui, alors, ici les journalistes assument leurs préférences, mais après c'est même un jeu, cela fait partie du jeu. Mais des différences, non après la grande différence c'est que la presse sportive, en France il y a un grand journal sportif, en Espagne tu en as au moins quatre. Au moins quatre nationaux plus des régionaux. Je crois que ça doit faire sept quotidiens sportifs en Espagne. Si on compte Séville, Valence, plus tous les cahiers sports énormes dans les journaux d'informations générales. La part de journalisme sportif est beaucoup plus importante en Espagne qu'en France.
Les supporters, en Espagne les gens supportent forcément le club local ou est-ce la tradition familiale qui prime ? Comment cela se passe-t-il ?
« Ça dépend. Moi, je connais des gens où toute la famille est pour l'Atlético, mais le petit dernier juste pour contredire va vouloir être pour le Real. Il y a plein d'histoires comme ça au sein de familles où il y a des dissonances.
Mais il y a un truc quand même, qu'on retrouve. C'est que tu as quand même beaucoup de personnes qui sont supporters de leur club, par exemple un supporter de Cadix, mais qui aime le Real aussi. En gros, tu supportes ton club et après tu supportes le Real ou le Barca ou tu vas être anti-Real ou anti-Barca. Par exemple, en Asturies, ceux qui sont d'Oviedo ils sont plutôt pro-Real et ceux de Gijón ils sont pro-Barca, pour définir un peu. Après ceux de l'Atletico sont différents et ceux de Valence et Séville aussi. Mais, ceux de Valladolid ils sont pro-Real, ceux de l'Espanyol sont pro-Real aussi. C'est assez connu, parce que quand tu as deux clubs que tu vois partout parce qu'ils font la Ligue des Champions tout le temps, il faut bien que tu supportes l'un ou l'autre. Tu as un club en Liga, puis tu en as un autre en Ligue des Champions parce que le tien n'y est pas. »
On
parlait de la différence culturelle entre la France et l'Espagne, comment est
vu le championnat français en Espagne ?
« Il
faut dire que l'arrivée de Neymar a été quand même importante. Neymar, Mbappé,
le QSI, parce qu'il y a des stars... Aujourd'hui le PSG est un concurrent alors
on le regarde avec le plus d'attention. Mais c'est surtout grâce au PSG, mais
aussi un peu grâce à Lyon, car Lyon a souvent joué contre les clubs espagnols
et a fait de bons résultats donc là aussi on regarde, l'OM aussi. Puis des
joueurs espagnols sont en France donc on regarde avec un certain intérêt, mais
on va quand même dire surtout à cause de Mbappé et Neymar. »
Pour finir, j'ai une dernière question, si tu pouvais revenir à tes débuts, quel conseil donnerais-tu au jeune journaliste que tu étais ?
(hésitation) « Question difficile. Calme-toi. (rires) Apprends à rester calme ! (rires) ».
Pourquoi ?
« Parce que je ne suis pas calme, parce que je m'énerve. Après ça fait partie de mon personnage aussi. Mais je dirai, prends les choses un peu moins à cœur, voilà c'est ce que je dirai. Parce que moi je prends trop les choses à cœur, et cela me fait souffrir. »
Merci beaucoup !
Je remercie Fred Hermel de m'avoir consacré et accordé un peu de temps pour cette interview passionnante et pour sa sympathie.
J'en profite pour vous conseiller son livre : Zidane, et vous met le lien pour le commander :
